Publié le lundi 12 décembre 2011
Les sonates opus 38 et 99 sont des pages de la maturité du compositeur.
La première en mi mineur, fut conçue aux alentours de 1866 près de la
Forêt Noire, non loin de Baden-Baden, aussitôt après l'achèvement du
fameux « Deutsches Requiem » et l'étincelant Quintette pour piano et
cordes opus 34. Le second vit le jour dans les Alpes suisses, sur les
bords du lac de Thoune, à proximité… du Trio opus 101 et du célèbre
Double Concerto pour violon et violoncelle. C'était en 1886… De l'une et
de l'autre, on le perçoit d'emblée, s'exhalent des flots de senteurs
naturelles… Le Romantisme triomphe… L'amour de la nature également.
Entre les deux œuvres, une mine d'autres chefs-d'œuvre… dont les quatre
symphonies !
Brahms, un classique égaré ? Sans doute si l'on considère son intérêt
pour les maîtres du passé, qu'ils soient relativement proches comme
Schubert ou Beethoven, ou plus éloignés comme Haendel ou Palestrina.
Mais sa passion pour le subtil raffinement de l'écriture et du
contrepoint le pousse à vouer à Bach un culte particulier. Or, ces deux
sonates portent en elles ce constant hommage que le grand romantique
rendait au Cantor de Leipzig. Outre un discours très contrapuntique où
le canon et la fugue se glissent dans tous les entrelacs de l'écriture,
Brahms va même dans l'opus 38 jusqu'à taquiner des motifs de l'« Art de
la fugue » aisément reconnaissables dans le premier mouvement et,
surtout, le final.
La grande sonate opus 99, en quatre mouvements, recèle les mêmes trésors
d'écriture, mais le ton est plus grave par instants… Notamment ce
sombre andante qui pourrait bien être une manière de déplorer la
disparition du jeune Louis II de Bavière qui avait jadis été très
reconnaissant du génie de Brahms. Et pourtant, ce savoureux allegro
conclusif, bâti sur une vieille chanson allemande, ne donne-t-il pas
envie de balayer tous les soucis, de dissiper toutes les ombres, de se
laisser emporter ?…
Romantiques certes, classiques peut-être, ces pages typiquement
brahmsiennes n'en sont pas moins intensément germaniques. A qui
demandait à Brahms, au soir de sa vie, quels étaient les grands moments
de son existence, il répondait : « L'unité allemande… et la première
édition des œuvres complètes de Bach » !
Francis ALBOU